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apocryphe
22 février 2007

La vie en 50cl

Les festivités locales ont bien failli me faire perdre mon sang-froid. Je parcourais d’un œil inquiet les sites Internet des différents hôtels montois, rubrique « tarifs et disponibilités », en constatant avec désespoir que « Nous sommes désolés, il n’y a pas de chambres disponibles à ces dates, veuillez étendre votre recherche. ».

Décidément, un événement reconnu comme patrimoine oral et immatériel de l’humanité, ça déplace les foules. Et les foules viennent de loin pour compromettre nos projets. J’ai depuis longtemps arrêté d’essayer de comprendre l’engouement général pour ces rassemblements d’humains grimés.

Merde. Les nuits sont froides, quand même.

Heureusement les touristes préfèrent le confort assuré par les grandes chaînes hôtelières et avaient délaissé ce deux étoiles volcanique et, il faut le dire, peu avenant.

8h30, je piétine un peu devant la porte d’entrée, en songeant qu’il sera sûrement beaucoup moins aisé de se faufiler dans les couloirs sans passer par la case réception. J’en ai rapidement la confirmation  en poussant une porte fermée. Bien. Il faut sonner. La gardienne vient m’ouvrir, un balai à la main. (Ca me détend légèrement.)

Chambre 9. Encore un chiffre à noter pour le prochain quinté +.

3ème étage, je le sais. Mais je pose quand même la question à cette charmante dame.

- 3ème. Je dois prévenir ?

- Non, ça ira, merci.

Elle m’indique l’itinéraire de manière fort compliquée. Bien sûr, il n’y a pas d’ascenseur. Tant pis pour mes poumons.

Puis les nausées fatiguantes cessent. Les corps parlent tellement. La veille, le mien refusait catégoriquement de conserver le moindre élément nutritif.

Le corps parle et les ratés synaptiques le mettent sèchement à l’épreuve.

Tout est une question de biologie, c’est prouvé. La communication neuronale. Exactement. Etat limite, comme ils disent.

Et quand ça merde, tu te retrouves à nouveau dans une chambre à la moquette sale. Et tu essaies de gérer au mieux tes humeurs décousues et tes angoisses démesurées. Alors ton cœur bat un peu mieux et tu sens que ça vit, là, dans tes artères et dans ta tête. C’est de la vie en baisers avalés, en corps emboîtés. Celle qui brûle au fond des yeux. C’est de la vie en 50cl. La seule que je tolère. Suspendue. Comme mon regard à ta fenêtre ce matin.

Comme ces projets tellement fragiles qu’ils en deviennent absurdes. Et tellement absurdes qu’on ne croit pas vraiment en leur viabilité. On ne se le dit pas, comme pour s’épargner.

Pourtant j’arrive à oublier un peu que derrière ces fenêtres, le sens se dissipe.

Aujourd’hui, il a failli percuter un camion. Loupé. En même temps j’étais assise à côté, la prise de risque était importante.

J’ai vérifié, le billet d’avion pour Tijuana est hors de prix.

Je suis perdante, autant que toi.

Le seul gagnant a égaré son billet.

Alors je mise tout ce que j’ai, en attendant de perdre à nouveau. C’est ma nouvelle tactique, celle de la survie éphémère, avant de dévoiler mon pauvre jeu, l’air de rien. Le courage des lâches. La facilité dans le chaos. Qu’il m’achève, puisque j’agonise.

Et si je me sens si vide, c’est parce que j’ai tout laissé, chambre 9.

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