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apocryphe
16 février 2007

Sous les mots

Je le regarde dormir et je marche sur un fil tendu entre le tout et le rien. Sans ses yeux collés au fond des miens,  je ne sais plus à quoi m’accrocher. Je le regarde dormir et quand je n’y arrive plus, je fixe la moquette orangée en espérant qu’elle finisse par m’absorber. L’exutoire ridicule m’arrache un sourire un peu triste. Si je tombe, il n’y a pas de filet, je le sais bien.

 

Il faut boire et faire l’amour pour ne pas penser.

A une vie où je fais semblant, un jour sur deux. Au moins.

A lui. A ce nous temporaire et vide de sens. Aux forces déployées pour lui en donner, un peu.

A ce qu’il est vraiment. De bon, de mauvais.

A ce que j’aimerais faire.

A ce que je pourrais donner. A ce que je voudrais prendre.

Aux failles que j’aimerais combler.

A ses émotions coagulées. Planquées dans un coin hors de ma vue. Qui finissent par exploser à la face du paraître. Sans signes avant-coureurs.

 

Encore une fois, mes yeux glissent sur les mots parce qu’ils ont la trouille de s’y arrêter trop longtemps. Je sens mon cœur se rétracter au fond de ma poitrine, de plus en plus, jusqu’au point final.

 

Echouée entre deux vents contraires, je vois des choses qui n’existent pas.

 

« Alors ? »

Alors je ne dis rien évidemment, sachant que de toute manière, les mots resteront coincés au fond de ma gorge. Je pose mon visage humide au creux de son cou et je disparais à nouveau sous ses mains.

 

Il faut partir. Fermer la porte en emportant la tristesse, les doutes et les regrets futurs. Se dire de manière utopique que tout cela représente un tournant de

la vie. Penser

qu’on a le choix puis penser le contraire la seconde suivante, par lâcheté, parce que c’est plus simple.

Un tournant.

Un virage à 180°, plutôt. Difficilement négociable.

 

Boire une bière dans un troquet miteux, sas de décompression improvisé, pour adoucir le retour à l’infect quotidien en s’assommant de quelques banalités. Regarder le tableau de départ des trains, comme deux abrutis inadaptés à l’environnement. Deux ombres dans un hall de gare. Constater qu’il nous reste quelques minutes. Et décider de les jeter au feu dans un dernier acte de rébellion contre le temps imparti.

 

On l’a bien usé, le temps. Voilà une belle phrase bateau, dérivant dans un sursaut d’optimisme forcé. Une tentative vaine de minimiser la culpabilité qui me ronge déjà. LA tentative de ne conserver qu’un souvenir heureux. De figer l’instant dans un coin de sa mémoire, loin.

 

Ca n’était pas prévu. Ca ne devait pas se passer comme ça. Et comment alors ?

 

Comment faire quand le poison est aussi l’antidote ? Quelles sont mes options ? Agiter les bras et brasser du vent ? Me morfondre au milieu de mes meubles en kit ? Ecumer les 4 étoiles ? Disparaître au cœur des villes grises sans aucune perspective ? Rêver d’un futur bancal, déjà sous assistance respiratoire ?

 

Ou abandonner.

Parce que de toute façon, ça n’y changera rien.

Parce que c’est absurde.

Parce que oui, la vie est injuste.

 

J’aurais aimé avoir la volonté impudente de le retenir. Comme dans les comédies sentimentales bombardées sur les téléviseurs en cette période de fête. Mais voilà, j’ai l’audace endormie au moins autant que l’envie de me retrouver un jour dans une maison perdue en pleine campagne, à confectionner des tartes aux pommes pendant qu’il aide notre hypothétique progéniture à finir ses devoirs.

 

Franchement.

 

Je vais avaler ces gélules roses et blanches, et leur poudre magique me maintiendra dans une réalité que je vomis chaque jour un peu plus. Parce que le mal est incurable, qu’il rouille dans mon ventre et me dévore

la tête. Jusqu'à la fin.

 

Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire que d’écrire ce que je n’oserais pas lui dire. Les flots de jouissance qu’il a déversés en moi viendront s’écraser sous les mots.

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